Bâtir un Nigéria nouveau : politiques welfaristes et développement centré sur l’humain – Conférence donnée par Akinwumi A. Adesina, Commander of the Order of Niger (Commandeur de l’Ordre du Niger), président du Groupe de la Banque africaine de développement

Bâtir un Nigéria nouveau : politiques welfaristes et développement centré sur l’humain – Conférence donnée par Akinwumi A. Adesina, Commander of the Order of Niger (Commandeur de l’Ordre du Niger), président du Groupe de la Banque africaine de développement

Bâtir un Nigéria nouveau : politiques welfaristes et développement centré sur l’humain - Conférence donnée par Akinwumi A. Adesina, Commander of the Order of Niger (Commandeur de l’Ordre du Niger), président du Groupe de la Banque africaine de développement

Bâtir un Nigéria nouveau : politiques welfaristes et développement centré sur l’humain - Conférence donnée par Akinwumi A. Adesina, Commander of the Order of Niger (Commandeur de l’Ordre du Niger), président du Groupe de la Banque africaine de développement

Excellences,

Mesdames et Messieurs,

Ma chère épouse, Grace (Yemisi) et moi-même sommes tout simplement submergés par l’émotion, ravis et remplis d’une très profonde et sincère reconnaissance pour votre présence ici en cette occasion, et pour tous vos vœux les plus sincères.

Je suis profondément honoré et touché par la présence significative et en grand nombre de dirigeants de mon pays d’origine, le Nigeria, d’Afrique et d’autres parties du monde.

Je tiens à saluer S.E. Bola Ahmed Tinubu, GCFR (Grand Commander of the Federal Republic), président de la République fédérale du Nigeria, brillamment représenté par S.E. Kashim Shettima, GCON (Grand Commander of the Order of the Niger), vice-président de la République fédérale du Nigeria ; S.E. le général Gowon, GCFR, ancien chef d’État ; S.E. l’ancien président Olusegun Obasanjo, GCFR ; S.E. l’ancien président Goodluck Ebele Jonathan, GCFR, mon patron, et S.E. l’ancien vice-président Namadi Sambo, GCON.

Je suis extrêmement honoré et touché par le fait que leurs Excellences, présidents et chefs d’État des pays africains, se soient déplacées pour être présentes ici, spécialement pour cette occasion.

Je tiens tout particulièrement à exprimer ma gratitude et mes remerciements à S.E. Samia Suluhu-Hassan, présidente de la République unie de Tanzanie, ma chère sœur et amie, qui a accepté avec plaisir d’assurer la présidence de cet événement.

Je tiens à remercier chaleureusement S.E. Azali Assoumani, président de la République de l’Union des Comores et ancien président de l’Union africaine, mon cher frère et ami ; S.E. Sahle-Work Zewde, présidente de la République fédérale démocratique d’Éthiopie, ma chère grande sœur et amie ; S.E. Faure Gnassingbé, président de la République du Togo, mon cher frère et ami, représenté par la Première ministre, S.E. Victoire Dogbé, et l’ancien président de la République du Ghana, S.E. John Dramami Mahama, pour avoir pris de votre temps pour être tous ici aujourd’hui.

C’est un grand honneur pour le Nigeria et l’Afrique.

Je suis également très honoré de la présence à cet événement de vos Excellences, le président du Sénat du Nigeria, le président de la Chambre des représentants, les gouverneurs exécutifs, les éminents sénateurs, les membres de la Chambre des représentants, ainsi que d’honorables ministres du Nigeria et d’autres pays africains.

Je remercie tout particulièrement S.E. Babajide Sanwo-Olu, gouverneur de l’État de Lagos, pour l’extraordinaire hospitalité dont il fait preuve en nous accueillant tous à Lagos, capitale économique et centre d’excellence du Nigeria.

Merci beaucoup !

Je tiens à exprimer ma profonde reconnaissance et ma gratitude à la Fondation Obafemi Awolowo pour m’avoir choisi comme lauréat de ce prix prestigieux.

Je remercie tout particulièrement l’ambassadeur Dosumu-Awolowo, directeur exécutif de la Fondation Obafemi Awolowo, S.E. général Yakubu Gowon, ancien chef d’État et président de la Fondation Obafemi Awolowo ainsi que le président du comité de sélection du Prix Obafemi Awolowo du leadership, et S.E. Chief Emeka Anyaoku, ancien secrétaire général du Commonwealth, ainsi que les membres du comité technique du prix.

Mon immense gratitude va à S.E. Goodluck Jonathan, GCFR, ancien président de la République fédérale du Nigeria, qui a soumis ma candidature pour ce prix. Il était mon patron en sa qualité de président de la République fédérale du Nigeria, et ce fut mon plus grand honneur de servir le Nigeria sous sa direction en tant que ministre de l’Agriculture et du Développement rural.

Ma profonde gratitude va également à plusieurs dirigeants mondiaux qui ont soutenu ma candidature, notamment Ban Ki-moon, ancien secrétaire général des Nations unies, le très honorable Tony Blair, ancien Premier ministre du Royaume-Uni, Kenneth Quinn, ancien ambassadeur des États-Unis au Viêt Nam et président émérite de la Fondation du Prix mondial de l’alimentation, Soji Adelaja, professeur émérite de politique foncière à la Michigan State University aux États-Unis, et Patrick Verkooijen, président-directeur général du Centre mondial pour l’adaptation.

La remise de ce prix aujourd’hui, 6 mars 2024, coïncide avec ce qui aurait marqué le 115e anniversaire du chef Awolowo, et marque les 37 ans de sa disparition.

Puisse l’âme de Chief Obafemi Awolowo continuer à reposer en paix, alors même que nous tirons des leçons inspirantes de sa vie, de ses politiques et de sa philosophie.

J’ai reçu plusieurs prix internationaux et j’en suis très reconnaissant. Recevoir le prix Awolowo du leadership est particulièrement spécial.

Cela tient au fait qu’il me rappelle de nombreux souvenirs personnels.

Ayant grandi dans l’ancienne région occidentale du Nigeria dans les années 1960, un seul nom était synonyme de développement centré sur l’humain : Awolowo. Nous vivions dans la même communauté que le sage, à Okebola, à Ibadan. Lorsque j’étais enfant, passer devant la façade de sa maison était un de mes passe-temps favoris. Je me souviens d’avoir jeté un coup d’œil par-dessus les murets pour essayer d’apercevoir l’homme qui a transformé la vie de millions de personnes dans ce qui était alors la Région occidentale. Mon père était fasciné par le chef Awolowo : il dévorait ses livres, ses écrits et ses articles. Le nom « Awolowo » était le fil conducteur de toutes les discussions dans notre maison.

Mon admiration pour lui était telle que lorsque j’avais 19 ans et que le chef Awolowo s’est présenté à l’élection présidentielle de 1979 sous la bannière du Unity Party of Nigeria, un ami proche et moi-même avons désespérément cherché à l’apercevoir. Lorsque nous sommes arrivés à Tafawa Balewa à Lagos, les tribunes et les terrains étaient pleins à craquer. Les portes étaient fermées. Mais nous ne nous sommes pas laissés décourager. Nous avions fait tout le chemin depuis Ife et nous n’allions pas nous laisser faire. Nous avons donc escaladé les hautes portes en acier du Square. Une hauteur incroyable quand j’y repense aujourd’hui.

Une fois les portes franchies, nous avons couru jusqu’à la tribune d’où il parlait et nous nous sommes tenus fièrement à deux pas de lui et de sa chère épouse, Mama Hannah Dideolu Awolowo. L’apercevoir nous a suffi. Nous avons écouté avec une grande attention l’exposé de ses projets pour le Nigeria. Nous étions fascinés.

Comme un parfum, ses paroles nous ont enivrés : nous pouvions sentir l’espoir dans l’air. L’espoir d’un Nigeria grandiose. L’espoir d’une éducation gratuite à tous les niveaux. L’espoir d’une santé publique accessible à tous. L’espoir que la transformation remarquable observée dans la Région occidentale du Nigeria, dans les domaines de l’éducation, de l’agriculture, de la santé et des infrastructures, soutenue par une fonction publique hautement professionnelle et disciplinée, s’étendrait bientôt à l’ensemble du Nigeria.

Comme les refrains d’un orchestre, les sons de « Awo, Awo » remplissaient l’air, alors que nos espoirs grandissaient. Nous pourrions voir un nouveau Nigeria. Hélas, ce ne fut pas le cas. Le Nigeria a raté sa meilleure occasion d’être grandiose sous la direction d’un « président » Awolowo. Chief Emeka Ojukwu a dit de lui : « Le meilleur président que le Nigeria n’a jamais eu ».

Soyons clairs : Chief Awolowo était plus grand que le Nigeria. Il a été le pionnier et le précurseur du développement en Afrique. Ses capacités intellectuelles, sa vision et son welfarisme social pragmatique lui ont permis d’accomplir ce qui semblait inimaginable à l’époque.

Il a construit le premier gratte-ciel d’Afrique, la Cocoa House. Il a construit la première chaîne de télévision en Afrique, WNTV. Il a construit le Liberty Stadium, le premier du genre en Afrique. Il a mis en œuvre un plan de développement axé sur le renforcement des capacités humaines grâce à des programmes massifs pour éduquer la population, développer les compétences, sortir les gens de la pauvreté, fournir une infrastructure rurale massive et développer des institutions qui ont transformé les agriculteurs en riches entrepreneurs.

J’ose dire que Chief Awolowo a mis en œuvre les objectifs de développement durable plusieurs décennies avant que l’expression ne soit inventée. Il a été une source d’inspiration pour l’Afrique, bien au-delà des frontières du Nigeria. Sa philosophie, le « Awoism », a été étudiée dans le monde entier et a contribué à façonner des programmes et des politiques dans d’autres pays.

Ma conférence d’aujourd’hui s’intitule « Bâtir un Nigeria nouveau : politiques welfaristes et développement centré sur l’humain ».

Depuis mes débuts, j’ai été animé du même élan que Chief Awolowo. Je me suis alors promis que si j’accédais un jour à un poste dans le secteur public, je mènerais des politiques welfaristes et centrées sur l’humain.

Mon cœur a toujours battu pour les gens. Rien de plus. Rien de moins. Ma vie n’a d’importance que dans la mesure où elle est utilisée par Dieu pour faire tout ce qui est en mon pouvoir pour transformer la vie des gens.

Awo m’a inspiré. Il y a des dizaines d’années, le parfum de la construction de l’espoir m’a imprégné. C’est un parfum qui persiste encore aujourd’hui. Ainsi, alors que je me tiens devant vous pour recevoir le prix Obafemi Awolowo du leadership, je suis à la fois honoré, inspiré et motivé.

Je ressens un nouveau sens des responsabilités. Les mots de Martin Luther King Jnr me reviennent à l’esprit aujourd’hui : « L’histoire m’a imposé une responsabilité à laquelle je ne peux me soustraire ».

Oui, je rêve d’un meilleur Nigeria et d’un Nigeria prospère.

Oui, je rêve d’une Afrique mondialement respectée.

Oui, je rêve que l’Afrique ne soit pas condamnée à rester au bas de l’échelle économique mondiale.

Je refuse d’accepter l’empreinte de la pauvreté sur l’Afrique.

Je continue de croire que le Nigeria se relèvera.

Je continue de croire que l’Afrique brillera et accomplira son destin.

Je continue de croire que nous serons ce que nous sommes censés être.

Aujourd’hui, j’accepte ce prix en tant que dépositaire de l’espoir pour des millions de nos concitoyens.

Vous m’accordez cet honneur à un moment crucial marqué par de grands défis mondiaux, tels que l’augmentation de la dette, le changement climatique, les fragilités et les vulnérabilités.

L’honneur que vous me faites est un appel à faire davantage face à ces défis.

Je me réjouis donc avec mesure, car je sais, en toute humilité, que les efforts pour faire du Nigeria un grand pays et, par voie de conséquence, de l’Afrique un grand continent, doivent se poursuivre. Ma mission de vie est de faire tout ce qui est en mon pouvoir pour améliorer la vie de tous les Africains. Le vent des défis peut parfois nous éloigner de notre trajectoire, ne serait-ce que momentanément, mais nous surmonterons nos défis.

Le Nigeria doit rêver. L’Afrique doit rêver. Oui, nous avons certes des défis à relever, mais tout ce que je vois me dit que nous y parviendrons.

Nous devons commencer par libérer tout notre potentiel, tout en relevant nos défis. Nous devons éradiquer la pauvreté au Nigeria.

Nous devons éradiquer la pauvreté en Afrique.

Nous devons offrir un meilleur Nigeria et une meilleure Afrique à cette génération et aux générations à venir.

Compte tenu du niveau élevé de pauvreté en Afrique et au Nigeria, nous avons besoin de politiques welfaristes qui augmentent de manière exponentielle les opportunités pour tous, réduisent les inégalités et améliorent la qualité de vie des gens. Celles-ci doivent être ancrées dans des politiques centrées sur le public et sur la création de richesses pour tous par le secteur privé.

Je voudrais me concentrer sur cinq domaines.

Premièrement, la transformation économique rurale et la sécurité alimentaire.

Deuxièmement, la sécurité des soins de santé pour tous.

Troisièmement, l’éducation pour tous.

Quatrièmement, l’accès à un logement abordable pour tous.

Cinquièmement, la responsabilité du gouvernement et la décentralisation fiscale pour un véritable fédéralisme.

Premièrement, le Nigeria doit complètement transformer ses économies rurales afin d’assurer la sécurité alimentaire pour tous.

Une meilleure Afrique doit commencer par la transformation des économies rurales. La raison en est qu’environ 70 % de la population y vit. La pauvreté rurale est extrêmement élevée. Au cœur de la transformation des économies rurales se trouve l’agriculture, qui constitue la principale source de revenus.

Lorsque l’agriculture cesse d’être un mode de vie pour devenir un business, tout change. L’augmentation des revenus et des salaires dans l’agro-industrie permettra de financer l’éducation et la santé et stimulera encore davantage la création d’emplois pour des millions de jeunes.

Lorsque j’étais élève au lycée du village, j’ai pu constater la forte corrélation entre les performances agricoles et l’éducation.

Plusieurs de mes camarades de classe étaient des enfants d’agriculteurs. J’ai alors remarqué que lorsque la saison agricole était bonne, ils restaient à l’école et obtenaient de bons résultats, mais que lorsque la saison était mauvaise, plusieurs d’entre eux abandonnaient l’école ou n’y allaient que par intermittence.

La décision de Chief Awolowo de commencer par la transformation de l’économie rurale était une politique très judicieuse.

La création de domaines agricoles et l’expansion des routes rurales, soutenues par des offices de commercialisation gérés de manière professionnelle, ont contribué à stabiliser les prix des produits agricoles. Il convient de noter que la gestion budgétaire prudente des revenus du cacao a alimenté les économies des États qui constituaient alors la Région occidentale. Ces revenus ont permis au gouvernement de se lancer dans une initiative sans précédent : la gratuité de l’éducation et des soins de santé de base. Il était alors courant d’entendre l’expression « Agbe lo ba » (les agriculteurs sont rois), prononcée avec une grande fierté.

Nous devons redonner vie à nos zones rurales.

Si Chief Awolowo a pu le faire dans les années 1960, il n’y a aucune raison pour que les économies rurales d’aujourd’hui soient plongées dans l’extrême pauvreté. De toute évidence, les économies rurales ont été abandonnées par les politiciens, la planification et les politiques. Aujourd’hui, elles sont devenues des zones de misère économique. La paupérisation des économies rurales est à l’origine de l’implosion de nombreux pays d’Afrique. Lorsque les économies rurales (le pivot de la société africaine) chancellent, les pays chancellent aussi. Cela conduit à la propagation de l’anarchie, du banditisme et du terrorisme. Cette troïka de perturbateurs sociaux profite de la misère économique pour s’enraciner.

La transformation des économies rurales doit donc être structurelle, systémique, stratégique et globale. Pour ce faire, il faut transformer l’agriculture en un secteur créateur de richesses.

J’ai appliqué cette philosophie avec détermination lorsque j’étais ministre de l’Agriculture et du Développement rural du Nigeria, de 2011 à 2015. De nombreuses personnes appellent cette période les années de la « révolution agricole », car le Nigeria a été témoin d’une transformation impressionnante de son secteur agricole.

Grâce à des politiques centrées sur les agriculteurs, nous avons fourni des semences améliorées et des engrais à 15 millions d’agriculteurs. Nous avons livré des millions de plants de cacaoyers dans tout le sud du Nigeria. Nous avons transformé la culture du coton dans le nord du pays. Nous avons fourni des millions de plants de palmiers à huile à des exploitations agricoles, petites et grandes, dans l’est, le sud et l’ouest du pays. Nous avons accéléré la livraison de semences de riz améliorées dans tout le Nigeria et déclenché une révolution rizicole qui a transformé plusieurs régions du pays.

Des politiques publiques judicieuses transforment la vie des gens.

Je me rappelle avec émotion l’une de mes visites d’exploitation agricole en compagnie du gouverneur de l’État de Kebbi de l’époque, S.E. Usman Dakingari. Émerveillé par la révolution en cours, je me souviens qu’il m’avait dit : « Monsieur le ministre, merci, nous ne mesurons plus nos rendements de riz en hectares de terre, mais en kilomètres. »

Les économies rurales ont connu un formidable essor. Le riz local bien conditionné a conquis le marché. Le prix du sac de riz à l’époque était de 6 000 nairas, ce qui a contribué à endiguer l’inflation des prix des denrées alimentaires. Malheureusement, aujourd’hui, neuf ans plus tard, ce même sac de riz coûte 77 000 nairas. Cette multiplication par 12 des prix met malheureusement le riz, un aliment de base, hors de portée de millions de personnes.

Aujourd’hui, dans plusieurs régions d’Afrique, des révolutions agricoles se produisent à grande échelle, avec le soutien de la Banque africaine de développement. Au cours des sept dernières années, nous avons investi plus de 8,5 milliards de dollars dans l’agriculture, ce qui a eu un impact sur 250 millions de personnes.

Au cœur de la stratégie africaine visant à réorganiser les économies rurales et à les transformer en zones de prospérité économique se trouve le développement de zones spéciales de transformation agro-industrielle à travers le continent.

Ces zones sont dotées d’infrastructures de soutien essentielles, notamment l’eau, les routes, les infrastructures de transformation et la logistique. La Banque africaine de développement et ses partenaires fournissent 1,4 milliard de dollars pour le développement de 25 zones spéciales de transformation agro-industrielle dans onze pays.

Ici même, au Nigeria, nous développons ces zones dans huit États pour un montant de 518 millions de dollars. La deuxième phase du programme au Nigeria, qui couvrira 23 États supplémentaires, sera financée à hauteur d’un milliard de dollars. La Banque et ses partenaires ont récemment lancé une alliance de trois milliards de dollars pour les zones spéciales de transformation agro-industrielle.

Nourrir l’Afrique est une affaire sérieuse.

Pour s’assurer que le continent puisse se nourrir lui-même et atteindre la souveraineté alimentaire, nous avons organisé le Sommet « Nourrir l’Afrique » en janvier 2023, auquel ont participé 34 chefs d’État africains et le président de l’Irlande, ainsi que des dirigeants du monde entier. Fait remarquable à l’échelle mondiale, nous avons pu obtenir 72 milliards de dollars d’engagements financiers pour la mise en œuvre de pactes alimentaires nationaux.

Deuxièmement, le Nigeria a besoin de soins de santé pour tous.

Les gouvernements intelligents fournissent à leurs citoyens une couverture sanitaire universelle de base. L’Afrique perd chaque année 2 600 milliards de dollars en productivité à cause des maladies et des pathologies. Tout comme chaque nation dispose d’un système de défense nationale pour protéger ses citoyens contre toutes les formes d’agression, il en va de même pour les systèmes de soins de santé. Une nation dépourvue d’un système de soins de santé solide est une nation sans défense face à l’invasion de toutes les formes de maladies ou d’épidémies.

Le Covid-19 a mis en évidence la faiblesse des systèmes de santé en Afrique.

Alors que les économies développées ont dépensé 19 000 milliards de dollars dans des programmes de relance budgétaire, soit environ 19 % du PIB mondial, l’Afrique n’a dépensé que 89 milliards de dollars. Les besoins urgents de l’Afrique en vaccins de base ont été relégués au bas de la chaîne d’approvisionnement mondiale en vaccins. Alors que l’Afrique n’était pas en mesure de fournir une seule injection de vaccin de base, les pays développés fournissaient une deuxième, une troisième injection de rappel, voire davantage. Il était alarmant de voir une Afrique non protégée aux prises avec ce virus insidieux. Certains prévoyaient même que jusqu’à trois millions d’Africains allaient mourir à cause de la pandémie. L’Afrique ne disposait que de deux centres de dépistage, pas de gants médicaux, pas de masques, pas de médicaments, pas de vaccins. La Banque africaine de développement a immédiatement mis en place une facilité de dix milliards de dollars pour soutenir les pays africains dans leur lutte contre la pandémie.

Ce qui n’est ni acceptable ni durable, c’est une Afrique qui importe 70 à 80 % de ses médicaments et ne produit que 1 % de ses vaccins. La sécurité sanitaire des 1,4 milliard d’Africains ne peut être soumise aux chaînes d’approvisionnement mondiales ou à la générosité d’autrui.

C’est pourquoi la Banque africaine de développement a également lancé un programme de trois milliards de dollars pour réorganiser les industries pharmaceutiques africaines et a créé la Fondation africaine pour la technologie pharmaceutique pour soutenir l’accès aux technologies brevetées des sociétés pharmaceutiques mondiales.

La Banque a également lancé un autre programme de trois milliards de dollars pour développer des infrastructures sanitaires de qualité sur tout le continent, en mettant l’accent sur les systèmes de soins de santé primaires qui, s’ils sont bien établis, peuvent assurer des soins de santé de base à des centaines de millions de personnes.

Nous continuerons d’investir massivement au Nigeria pour soutenir son industrie pharmaceutique et développer de meilleures infrastructures de santé.

Il est impératif que le Nigeria garantisse la bonne santé de l’ensemble de sa population. Il faudra pour cela veiller à ce qu’aucun citoyen ne parcoure plusieurs kilomètres pour trouver un centre de santé. L’utilisation généralisée des centres de santé mobiles, des établissements de santé en ligne, la numérisation des systèmes de santé, en particulier dans tous les centres de soins de santé primaires, les politiques d’assurance maladie pour tous, y compris les systèmes innovants de micro-assurance maladie par répartition, permettront d’atteindre la majeure partie de la population qui se trouve dans le secteur informel.

Troisièmement, le Nigeria a besoin d’une éducation pour tous.

Selon l’UNICEF (Fonds des Nations unies pour l’enfance), le Nigeria compte 15 % de la population totale d’enfants non scolarisés, dont plus de 10,2 millions au niveau de l’école primaire et 8,1 millions au niveau du premier cycle de l’enseignement secondaire. Ce n’est pas une médaille d’or dont le Nigeria peut s’enorgueillir.

Le problème est à la fois aigu et alarmant dans le nord du Nigeria. Des politiques publiques urgentes, associées à une sensibilisation des communautés et à des incitations à la scolarisation, sont nécessaires pour inverser la tendance. Des incitations publiques telles que l’enseignement primaire et secondaire gratuit et obligatoire devraient être mises en place, ainsi que des investissements massifs dans la formation et l’amélioration des salaires des enseignants, la construction de salles de classe sûres et de qualité, et des programmes d’alimentation scolaire.

Une population bien éduquée est essentielle à la croissance et au développement technologique, ainsi qu’à la promotion de la créativité, de l’innovation, de l’entrepreneuriat et de la compétitivité mondiale. Nous n’avons pas le choix. Un Nigeria hautement éduqué n’est pas une option. C’est un impératif.

Avec seulement 1 % de la population inscrite, le Nigeria n’éduque pas suffisamment sa population au niveau universitaire. L’insuffisance du financement des universités, le manque d’infrastructures de base, le manque d’incitations pour les enseignants et le personnel, et les grèves incessantes dues aux conflits salariaux ont presque paralysé le système universitaire.

En conséquence, on assiste à un exode des universités nigérianes, avec 128 770 étudiants nigérians « Japa-ing » (qui sont partis) étudier dans les seules universités britanniques, entre 2015 et 2022, selon la Higher Education Agency (Agence pour l’enseignement supérieur) du Royaume-Uni.

L’exode des étudiants fait pâle figure comparé à celui des professionnels qualifiés. Des médecins aux ingénieurs, en passant par les architectes, les avocats, les informaticiens, les banquiers et les techniciens médicaux, le Nigeria assiste à un épuisement massif de son capital humain. Cette hémorragie du capital humain ralentira la croissance économique, les performances, le développement global et la compétitivité de l’économie.

 Même si l’on pourrait affirmer qu’une diaspora croissante est une bonne chose dans la mesure où elle envoie au pays quelques milliards de dollars, ce qui est supérieur aux recettes d’exportation du pétrole, ce n’est clairement pas la bonne façon de se développer de manière durable.

Les nations qui se développent font tout ce qui est en leur pouvoir pour conserver leur meilleur capital humain dans leur pays, et s’approvisionner en outre en compétences à l’étranger grâce à des politiques flexibles en matière d’immigration et de travail. Nous devons faire du Nigeria un pays où les gens ont envie de rester, et non un pays qu’ils ont envie de fuir. Il en va de même pour les autres pays.

Je refuse de croire que l’avenir de la jeunesse nigériane et africaine se trouve en Europe, en Amérique du Nord, en Asie ou ailleurs.

Je crois fermement que leur avenir réside dans un Nigeria et une Afrique en plein développement, capables de créer des emplois de qualité avec des salaires compétitifs et une qualité de vie décente pour des millions de jeunes. C’est pourquoi le Groupe de la Banque africaine de développement et ses partenaires ont fourni 614 millions de dollars au Nigeria pour le programme i-DICE afin de soutenir le développement d’entreprises numériques et créatives, qui devraient créer 6,3 millions d’emplois et injecter environ 6,4 milliards de dollars dans l’économie nigériane.

Pour soutenir les entreprises des jeunes Nigérians, le Groupe de la Banque africaine de développement prévoit également de créer une Banque d’investissement pour l’entrepreneuriat des jeunes au Nigeria, qui fournira des instruments financiers pour créer de la richesse pour les jeunes.

Quatrièmement, le Nigeria a besoin de logements pour tous.

Une meilleure qualité de vie passe par l’accès à un logement décent et abordable pour tous. Je me rappelle que, dans mon enfance, mon père a travaillé très dur pour pouvoir nous construire une maison décente, après avoir vécu pendant des années dans des zones densément peuplées, dans ce que l’on appelle communément le « face-me-I-face you » (type spécifique de logements au Nigeria avec des appartements séparés par un couloir et dont les entrées sont face à face). Quelle joie d’avoir enfin nos propres chambres avec salles de bains et toilettes ! Cette joie manque à des centaines de millions de personnes en Afrique, et pourtant plusieurs gouvernements observent, impassibles et imperturbables, des millions de leurs concitoyens vivre dans des bidonvilles. Aujourd’hui, plus de 65 % de la population de l’Afrique subsaharienne vit dans des bidonvilles.

Permettez-moi d’illustrer mon propos.

Au Nigeria, 49 % de la population vit dans des bidonvilles, selon les données d’ONU-Habitat. Cela représente un nombre impressionnant de 102 millions de personnes !

Ces tendances doivent changer rapidement.

Des politiques welfaristes sont nécessaires de toute urgence pour garantir que 100 % des citoyens ont accès à un logement de base à un prix abordable. Les politiques ignominieuses qui visent à améliorer les bidonvilles devraient être abandonnées. Un bidonville cinq étoiles ça n’existe pas : un bidonville reste un bidonville. Des mesures urgentes sont nécessaires pour soutenir le financement et le refinancement hypothécaires ainsi que le recours à des structures de financement innovantes pour lever des capitaux à long terme afin de combler les déficits en matière de logement.

Cinquièmement, le Nigeria a besoin d’une responsabilisation du gouvernement et d’une décentralisation budgétaire pour parvenir à un véritable fédéralisme.

La démocratie c’est plus que le droit de voter. C’est le droit des citoyens de tenir les gouvernements responsables de l’amélioration de leur bien-être. Des forums de responsabilisation des citoyens sont nécessaires pour qu’ils aient leur mot à dire sur la manière dont les ressources de leur pays sont utilisées et sur les performances de leur gouvernement. Les gouvernements doivent apporter des preuves concrètes et transparentes de leur responsabilité budgétaire.

Les gouvernements sans responsabilité citoyenne deviennent synonymes de dictature démocratique.

Il existe donc aujourd’hui un besoin accru de systèmes de gouvernance électronique pour améliorer la transparence et la responsabilité des gouvernements, au service des citoyens. C’est là l’essence même de la gouvernance centrée sur les personnes.

C’est pourquoi la Banque africaine de développement est en train de mettre au point un indice de prestation de services publics qui évaluera les gouvernements en fonction de la qualité de la prestation de services aux citoyens.

Il est clair que le développement nécessite un financement important, que les gouvernements doivent mobiliser. L’un des principaux outils pour y parvenir est la fiscalité. La justification d’une augmentation des impôts au Nigeria est que le ratio impôts/PIB du pays est faible par rapport à d’autres pays africains ou non africains. Cependant, la taxation en l’absence d’un contrat social entre les gouvernements et les citoyens n’est qu’une simple extorsion fiscale.

Les systèmes de financement participatifs basés sur l’impôt exigent une gouvernance participative.

Prenons le cas de la Norvège par exemple. Son ratio impôts/PIB est de 39 %. Il est facile de faire la comparaison et de dire que le Nigeria doit augmenter ses impôts de 6,1 % du PIB pour atteindre un niveau similaire à celui de la Norvège. 

Mais il faut savoir qu’en Norvège, comme dans tous les pays nordiques, l’éducation est gratuite jusqu’à l’université. Et si vous terminez vos études dans les délais, tous les prêts que vous aurez contractés pour vous nourrir, vous vêtir et subvenir à vos besoins seront convertis en dons.

Nous devons faire la distinction entre les impôts nominaux et les impôts implicites, c’est-à-dire les impôts qui sont supportés par la population, mais qui ne sont ni vus ni comptabilisés.

À vrai dire, les Nigérians paient l’un des taux d’imposition implicite les plus élevés au monde. La plupart des citoyens se fournissent eux-mêmes en électricité grâce à des générateurs ; ils réparent les routes de leur quartier s’ils en ont les moyens. Ils réalisent des forages pour s’approvisionner en eau potable avec leur propre argent. Au 21e siècle, c’est inconcevable, car chaque foyer devrait avoir de l’eau courante !

Malheureusement, l’anormal a été normalisé.

Si les gens paient des impôts, les gouvernements doivent fournir des services aux citoyens et être tenus responsables de leur capacité à le faire ou non. Les gouvernements ne doivent pas transférer leur responsabilité aux citoyens. Lorsque les gouvernements ou les institutions ne parviennent pas à fournir les services de base, les citoyens supportent le fardeau d’une lourde taxe implicite.

Pour mener à bien des politiques welfaristes et centrées sur la population au Nigeria, il est nécessaire de modifier le système de gouvernance et de décentraliser la gouvernance vers les États afin de leur offrir une plus grande autonomie.

Les États disposent d’un énorme potentiel pour devenir encore plus autonomes financièrement grâce à une plus grande prudence budgétaire. Si les États se concentrent sur le déblocage des énormes ressources dont ils disposent, en se basant sur les domaines où ils disposent d’un avantage comparatif, ils augmenteront rapidement la richesse de leur population. Grâce à cette richesse accrue, ils seront en mesure d’accéder aux marchés des capitaux et d’obtenir des financements à long terme pour accélérer leur croissance et leur développement.

Les États qui adopteraient cette stratégie auraient moins besoin de se rendre à Abuja tous les mois pour obtenir des dons. Au lieu de cela, une partie de leurs allocations de recettes fédérales peut être épargnée sous forme de « fonds souverains d’État » internes. Ces fonds peuvent ensuite être utilisés comme garanties pour les emprunts sur les marchés des capitaux. En substance, ils seraient libérés de la nécessité de dépendre exclusivement du gouvernement fédéral.

Pour sortir du bourbier économique, il est impératif de restructurer le Nigeria. La restructuration ne doit pas être motivée par l’opportunisme politique, mais par la viabilité économique et financière. La viabilité économique et financière est la condition nécessaire et suffisante de la viabilité politique.

S’il est une qualité qui caractérisait Chief Obafemi Awolowo, et il y en avait beaucoup, c’était son audace visionnaire. Il est allé là où d’autres craignaient d’aller ou n’ont pas réussi à aller. Ce faisant, des décennies plus tard, ses empreintes restent gravées dans les sables du temps.

De même, aujourd’hui, au Nigeria, nous avons besoin d’hommes et de femmes visionnaires, prêts à prendre des décisions audacieuses.

Les opérations sont difficiles. Il est préférable qu’elles soient bien faites, du premier coup. Les ressources de chaque État ou groupement d’États devraient leur appartenir. Les entités constituantes devraient payer des impôts fédéraux ou des redevances au titre de ces ressources.

Mais soyons clairs. Pour réaliser des entités économiquement viables et assurer la viabilité de l’entité nationale, il faut modifier la constitution afin de déléguer davantage de pouvoirs économiques et fiscaux aux États ou aux régions. Plus les États ou les régions seront forts, plus les unités fédérées seront fortes.

Ce faisant, notre union serait renouvelée.

Notre union serait plus forte.

Notre union serait équitable.

Notre union serait pleinement participative.

Excellences, Mesdames et Messieurs. Nous devons être audacieux !

Au lieu d’un gouvernement fédéral du Nigeria, nous pourrions penser aux États-Unis du Nigeria.

L’ancien céderait la place au nouveau.

Nous changerions l’état d’esprit relationnel entre les États et Abuja : le pivot serait les États, tandis que le centre les soutiendrait, au lieu de les dominer.

Avec une bonne gouvernance, de meilleurs systèmes de responsabilisation et une tolérance zéro à l’égard de la corruption, des États constituants plus forts économiquement émergeraient !

Nous libérerions des richesses massives dans tous les États.

Un nouveau Nigeria verrait le jour !

Pour ce faire, nous aurons besoin que nous soyons tous là, et non pas seulement certains d’entre nous.

De nos villages ruraux oubliés à nos zones urbaines bruyantes et dynamiques.

Des étincelles de désir dans les yeux de nos enfants à l’espoir persistant dans les cœurs de nos jeunes.

Des aspirations de nos femmes, de nos mères, de nos hommes et de nos pères à un avenir meilleur, et des désirs des anciens que notre issue soit meilleure que notre passé.

Des vendeurs ambulants et petites entreprises qui travaillent dur aux plus grands conglomérats d’entreprises… nous devons créer un mouvement d’espoir.

L’espoir d’un meilleur Nigeria !

Pas un Nigeria musulman.

Pas un Nigeria chrétien.

Ni un Nigeria de l’Est, ni un Nigeria de l’Ouest, ni un Nigeria du Nord, ni un Nigeria du Sud.

Mais un seul Nigeria — un Nigeria nouveau, créé par un engagement renouvelé à transformer notre incroyable diversité en une force exceptionnelle.

Un Nigeria nouveau, alimenté par des torrents d’espoir, de confiance, d’équité, de justice et de richesse à tous les niveaux, dans tous les États… par tous et pour tous.

Nous avons la capacité de le faire et de le réaliser.

Nous devons transcender la méfiance et les divisions et écrire l’histoire.

Pas l’histoire qui est écrite sur nous, sur le Nigeria du Nord, le Nigeria du Sud, le Nigeria de l’Est ou le Nigeria de l’Ouest.

Pas non plus l’histoire des partis politiques qui sèment la discorde, mais une nouvelle histoire que nous nous engageons à écrire pour nous-mêmes, l’histoire d’un Nigeria nouveau.

Nous sommes les faiseurs de l’histoire. Engageons-nous donc à écrire l’histoire d’un Nigeria nouveau !

Car les ténèbres d’aujourd’hui vont bientôt s’estomper.

Nous ne tarderons pas à voir notre étoile briller plus fort en tant que nation, car les politiques welfaristes et les politiques centrées sur l’humain stimulent la richesse partagée.

Une nation où la majorité prospère, et pas seulement quelques privilégiés.

Une nation qui offre de réelles opportunités aux jeunes.

Une nation où l’égalité des chances pour les femmes est une réalité et non un rêve.

Une nation où l’espoir naît et où les rêves se réalisent.

Une nation connue pour sa richesse et non pour sa pauvreté.

Une nation située sur une colline dont la lumière ne sera jamais cachée.

Un Nigeria nouveau que nous sommes tous fiers d’appeler notre « chez-nous ».

Que Dieu nous vienne en aide !

Je vous remercie.

Distribué par APO Group pour African Development Bank Group (AfDB).